8 décembre 2024
#65 | chahut

Il y avait cette fête, celle qui fait briller la ville, seulement elle ne brillait alors que des flammes des bougies, aujourd’hui les bougies ont presque disparues, la ville centre est déserte le soir, les employés et les commerçants ayant rejoint leur chez eux, aucune raison d’illuminer les bords de fenêtres de ce qui ne sont que des bureaux, les vieilles familles qui logeaient au bord des quais ou dans les rues des vieux quartiers ont laissé place à des habitants du XXIème siècle, ceux-là rechignent à s’y mettre qui veulent la ville et dans la ville les endroits enviables sans les partager avec les piétons, les amateurs de pic-nic sur les berges, de musique et de bruits de vingt ans qu’ils nomment nuisances, à l’heure des encombrements et des rues barrées quatre jours en hiver, ils sont peu nombreux, dire elles sont peu nombreuses serait plus juste, quand il s’agit d’allumer aux fenêtres des bougies en nombre suffisant et de transformer le ciel, et il y a le prix des verres colorés, le souci de nettoyer au matin les verres noircis de fumée, une charge inutile dans la nuit lumineuse et multicolore des animations à grande échelle, le halo tremblotant des flammes a perdu son sens et son importance, les fenêtres restent noires, il y avait cette fête, la ville en robe dorée, et la marche dans le froid, la bande bruyante, l’excitation et la joie de l’hiver, la marche encapuchonnée, mains gantées, les doigts entrelacés dans les doigts des amies pour se réchauffer disait-on en riant, les garçons les mains au fond de leurs poches, envieux, sur la réserve, les couples, il y en avait, ne se démarquant pas, secrets jusqu’après le bac, pas question de se déconcentrer ou d’être moquer, pas question de se laisser distraire,

il y avait la fête et le froid de la nuit, la nuit personnage dans la lumière des rues transformée de flammes, une ville d’ombre, une ville de pierre qui tremble au feu infime des dévotions, une mise en scène aux limites de l’effrayant, une fascinante féérie de l’étrange, la marche dans le froid et la nuit décalée à traverser les ponts, à monter les collines, à lancer des prières impies, à arpenter le quartier vieux jusqu’à courir se tenant par les coudes, quatre par quatre, en avant, en arrière, hurlant nos imprécations, se tirant et se poussant pour éviter les oeufs et les jets de farine, les seaux d’eau froide jetés des étages, ultime souvenir de fêtes païennes, reste de carnaval sans nom, dernier signe de deux mille ans d’histoire, d’oubli de fleuve débordant et de nuit fatales, fête froide réchauffée de vin, offerte aux nouvelles foules attirés par un son et lumière à la façade gothique d’une primatiale. 

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